Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/196

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à la modeler dans une œuvre immense qui a eu son cours et à laquelle est resté attaché son nom. » Le dernier mot est-il dit, en effet ? Ne subsiste-t-il absolument aucune prévention ? Il nous semble qu’aujourd’hui encore ceux qui sont les plus disposés à goûter les talents et les vertus pédagogiques de Mme de Maintenon en demeurent à l’admiration et au respect. D’où vient cette sorte de réserve presque invincible ? Peut-être d’abord de ce que Mme de Maintenon a réussi en tout ce qu’elle a tenté ; elle remarquait qu’au milieu de ses traverses elle avait finalement été trop heureuse pour qu’on ne lui attribuât pas plus d’esprit qu’elle n’en voulut jamais avoir. Peut-être aussi de ce qu’elle aimait trop à parler d’elle-même ; ici encore, au surplus, elle comprenait le péril mieux que personne : « Nous aimons à parler de nous, disait-elle, en signalant la chose comme un défaut, dussions-nous parler contre » ; et elle ne parlait pas contre. Mais ne serait-ce pas surtout qu’alors même que nous sommes prêts à nous laisser porter par ce courant de bonne humeur, reposante et gaie, qu’elle fait entrer avec elle à Saint-Cyr, nous ne pouvons secouer la tristesse des ennuis et des malheurs de cette fin de règne si pesante ? Ou bien n’y aurait-il là que l’effet ineffaçable des calomnies de génie que Saint-Simon a si âprement attachées à sa mémoire[1] ?

Pour être en quelque sorte plus libre dans ses sentiments, on voudrait qu’il ne se fût conservé d’elle que ce

  1. Un seul trait donnera une idée de la passion de Saint-Simon. Sur le registre où Dangeau avait consigné son jugement (voir plus haut, page 108), il avait écrit de sa main : « Voilà bien fadement, salement et puamment mentir à pleine gorge. »