Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/212

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avaient fait, dans les circonstances délicates, l’interprète de la maison ; il y était une manière de secrétaire général et de grand maître des cérémonies ; on le chargeait de la correspondance avec les dames, et il entrait dans son rôle à plein, se lançait en aveugle sur la carte du Tendre, jouait en conscience au bel esprit et soutenait les assauts de la duchesse du Maine avec plus d’intention parfois que de succès, mais sans jamais ee laisser prendre de court ni demeurer en reste. Toutefois l’attrait de son esprit se justifiait par des raisons plus dignes de sa célébrité. En réalité il devait son crédit à la diversité des applications de son talent, à la facilité qui lui permettait de renouveler incessamment les sujets de conversation et de lecture dans un monde qui vivait surtout de lecture et de conversation : poète, orateur, philosophe, nul, par son savoir presque encyclopédique et par sa souplesse à traiter de tous les genres, n’était mieux préparé à provoquer les discussions, à en varier les effets, voire même à en remplir les vides[1]. Tel était aussi, avec une portée plus haute, l’ascendant de Fontenelle : quelque grande part qu’il y ait lieu de faire à la façon dont il savait exercer son autorité souveraine, en ménageant tout le monde et lui-même plus que tout le monde, il ne fallait rien moins pour l’entretenir que l’activité d’un génie (le mot lui était naturellement appliqué comme à Lamotte) en quête de toutes les curiosités philosophiques et littéraires, « également bien avec les muses sérieuses et les muses badines, » sachant passer avec aisance de la métaphysique à la galanterie et de la galanterie à

  1. Fontenelle disait de Lamotte : « La nature lui a dit : Sois ce que tu voudras. » (Notes et souvenirs de Mme Necker, t. IV, p. 238.)