Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/218

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à cet égard était unanime et d’une énergie pressante. « On nous crie dès le berceau, » faisait dire Marivaux, dans la Nouvelle Colonie ou la Ligue des femmes, aux femmes qui répondent aux attaques des hommes ; « on nous crie dès le berceau : Vous n’êtes capables de rien, ne vous mêlez de rien, vous n’êtes bonnes à rien qu’à être sages ; on l’a dit à nos mères qui l’ont cru, qui nous le répètent — Quelle autre ressource nous a-t-on laissée que le misérable emploi de plaire ? Notre coquetterie fait tout notre bien. Nos parents ne se défont de nous qu’à ce prix. Nous n’échappons à votre oubli, à vos mépris, que par ce moyen ; nous ne sortons du néant, nous ne saurions vous tenir en respect, faire figure, être quelque chose, qu’en nous faisant l’affront de mettre une industrie humiliante et quelquefois des vices à la place des qualités, des vertus que nous avons, dont vous ne faites rien, et que vous tenez captives. » Et, de son côté, Montesquieu, qui n’appartenait point au cénacle, mais qui en recevait les échos, écrivait : « L’empire que nous avons sur les femmes est une véritable tyrannie. Nous employons toutes sortes de moyens pour leur abattre le courage ; les forces seraient égales si l’éducation l’était aussi ; éprouvons-les dans les talents que l’éducation n’a point affaiblis, et nous verrons si nous sommes si forts. » On ne peut douter que cette conception plus large du rôle des femmes ne fût, en partie au moins, l’œuvre de Mme de Lambert. Ses idées étaient déjà répandues, et la plupart des traités dans lesquels elle les avait fixées avaient commencé à courir le monde, quand l’écrivain des Lettres persanes et l’auteur de la Nouvelle Colonie s’associaient à la cause qu’elle soutenait, en lui empruntant