Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/225

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caractère de bienveillance particulièrement remarquable. Il ne faut pas chercher sans doute dans les observations de Mme de Lambert l’accent ému et tendre de Fénelon ; mais ne semble-t-il pas qu’un souffle précurseur de l’esprit de Rousseau les anime ? « La grande opinion que nous avons de nous-même, dit-elle, nous fait regarder ce qui est au-dessous de nous comme une espèce distincte : que ces sentiments sont contraires à l’humanité !… L’humanité souffre de l’extrême différence que la fortune a mise d’un homme à un autre. C’est la vertu seule, c’est le respect naturel qu’on a pour elle qui ont fait consentir les hommes à l’obéissance… Vous êtes un usurpateur de l’autorité dès que vous ne la possédez point à ce prix… La libéralité est le devoir d’une grande naissance : celui qui l’exerce ne fait qu’acquitter une dette. » Ce serait déjà presque le cri de révolte du Contrat social, si cette philosophie un peu âpre ne se détendait dans la conclusion : « L’humanité et le christianisme égalent tout… Il n’y a d’élévation digne de ce nom que celle qui au mérite joint la bonté… Le plaisir le plus vif, c’est de faire du bien ; et il n’est pas d’état, si modeste qu’il soit, où il ne soit possible d’en faire avec de l’attention sur soi et sur les autres : ayez ce sentiment dans le cœur, vous trouverez de quoi le satisfaire. »

Une fois de plus Mme de Lambert nous ramène à ce qui est le fond des Avis d’une mère à son fils. À travers les bienséances extérieures, ce qu’elle vise, c’est, comme elle le dit, le dedans ; ce qu’elle cherche sous le galant homme, c’est l’homme. L’éclat n’est point ce qui la touche dans la carrière des armes qu’elle ouvre à son fils. Elle s’inquiéterait même de la pure passion de métier ;