Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/239

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chers. » Ce qu’elle exige des gouvernantes, c’est, outre une piété solide, des lumières étendues et une raison sûre. Leur premier soin doit être de préparer chez les jeunes filles, si jeunes qu’elles soient, un esprit juste et un cœur droit : c’est une éducation qu’on ne saurait prendre de trop loin.

Cette éducation ainsi commencée et soutenue par d’autres aussi longtemps que l’exigent l’âge et les circonstances, il appartient ensuite aux femmes d’en poursuivre elles-mêmes les effets. Parmi les moyens personnels de perfectionnement moral, Mme de Lambert place en première ligne la conversation, la lecture, la retraite : trois formes d’éducation où se reflète particulièrement l’esprit de la société de son temps.

Le besoin de s’assembler pour s’entretenir est un besoin propre à l’esprit français. Mme de Staël l’a excellemment remarqué : en France, à Paris surtout, la parole n’est pas seulement, comme ailleurs, une manière de se communiquer ses idées, ses sentiments, ses affaires ; « c’est un instrument dont on aime à jouer, qui ranime les esprits comme font chez d’autres peuples la musique et les liqueurs fortes » ; et, à l’appui de cette observation, elle raconte, d’après Volney, que des Français, émigrés pendant la Révolution et établis en Amérique pour y fonder une colonie, quittaient toutes leurs occupations pour aller causer à la ville, c’est-à-dire à la Nouvelle-Orléans, qui n’était pas à moins de six cents lieues de leur demeure. Dans la société reposée et lettrée du dix-septième siècle, ce plaisir était devenu le premier des plaisirs et un art supérieur. Le chevalier de Méré déclarait « qu’il n’était pas de plus noble et de plus grand usage de la parole que la conversation. » « Cydias, disait