Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/279

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il se donne rendent plus indulgent pour ses erreurs ; et l’on se reprend d’admiration pour tout ce que le cinquième livre de l’Émile offre, comme les quatre autres, d’ingénieux, de profond et de neuf. L’esprit du monde avait étouffé l’esprit de famille : Rousseau rend la femme au foyer, l’enfant à la mère. D’autre part, personne avant lui n’a marqué d’un trait plus juste les rapports et les différences établis par la nature entre les sexes ; personne n’a éclairé d’une lumière plus vive certains replis du cœur féminin, ceux qui se dérobent d’ordinaire ou qui ne se prêtent qu’au demi-jour. La rhétorique et la déclamation qui se mêlent à ses observations ou à ses peintures ne nuisent qu’à lui. Elles ont même le piquant avantage de tenir en éveil l’esprit du lecteur ; Rousseau est de ceux avec lesquels il ne faut jamais s’abandonner. Mais où il ne convainc pas, il émeut. En excitant la contradiction, il fait penser. Ce charme troublant et provocant est peut-être aujourd’hui celle de ses séductions que nous goûtons le plus.

IV

Ce n’est pas tout à fait ainsi qu’en jugeaient les contemporains ; et rien ne l’a peut-être mieux soutenu auprès d’eux que ses défauts. Les meilleurs juges ne s’y trompaient pas ; ils ne se faisaient pas faute de dire que l’Émile était un recueil de sublimes beautés et d’impertinences plates, de vues de génie et d’extravagances. Grimm se montrait particulièrement touché des paradoxes