Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/355

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son cœur les douces jouissances qu’il s’était promises. » Quant à son père, — c’est là surtout que se marque assez tristement le tour fâcheux de son esprit, — elle ne trouve rien à rappeler qui ne soit à son désavantage, et elle y revient sans cesse. C’était un glorieux, dit-elle, sans instruction, honnête homme sans doute, qui se serait fait tuer plutôt que de ne pas acquitter le prix d’une chose qu’il avait achetée, mais qui l’aurait bien fait payer plus qu’elle ne valait. Le seul souvenir pénible qu’elle ait conservé de son enfance se rapporte à lui, à deux ou trois réprimandes brutales qu’il lui a infligées. Consultée au sujet d’un établissement que son excellente mère comparait bonnement avec son propre ménage, elle lui déclare qu’à aucun prix elle ne voudrait d’un bonheur comme le sien. Sa mère morte, elle se sent « tout à fait orpheline. » Jamais son père ne la comprendra. Elle ne lui pardonne même pas de jouir des compliments qu’on lui adresse sur sa grâce et sa beauté, lorsqu’elle se promène à son bras. Au sujet de son mariage avec Roland, elle rompt avec lui, et pendant six mois elle se retire dans un couvent où elle ne lui laisse point ignorer qu’elle est heureuse. De ses griefs, quelques-uns pouvaient être respectables. Phlipon n’avait pas toujours eu pour sa femme les égards qu’elle méritait. Après sa mort, il avait compromis le peu d’aisance qui lui restait dans des spéculations douteuses et des folies coupables. Ce qu’elle lui reprochait par-dessus tout, c’était d’avoir voulu lui faire épouser un marchand. Elle avait pour le commerce une aversion profonde ; son injuste orgueil n’y voyait qu’avarice et friponnerie. Manon eût aimé sa petite cousine Trude, si tous les Trude n’