Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/360

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dimanche à Bellevue, à Ville-Bonne, à Meudon d’où elle revenait, après la journée close, les bras chargés de bouquets de fougère et d’orchis, le cœur ému des charmes de la nature et des bienfaits de la Providence. Cette plénitude de vie qu’elle portait partout avec elle, auprès de sa mère, chez ses grands parents, au couvent, aux affaires, en prison, nulle part elle ne l’éprouvait plus largement qu’à la campagne. « Comme ces arbres qui ne se portent bien qu’en plein champ, disait-elle, je me trouve encaissée à la ville, je ne vis entièrement qu’à l’air libre. » Avant d’être ramenée à Paris par la Révolution, et alors que son mari était attaché à la Généralité de Lyon à titre d’inspecteur général du commerce, elle « changeait d’humeur » suivant qu’elle habitait Lyon, Villefranche ou le Clos-la-Platière, la modeste maison de plaisance que Roland possédait près de Thésée, au pied des derniers contre-forts du Beaujolais. À Lyon, elle se moquait volontiers de tout ; la société l’y mettait en gaieté et avivait son imagination ; il ne fallait pas l’exciter, elle se sentait capable de toutes les incartades, et mal en eût pris à ceux qui auraient laissé échapper une plaisanterie : elle l’aurait renvoyée bien affilée. À Villefranche, dans la petite ville où il fallait se surveiller, grave et raisonnante, elle observait, calculait, pesait, sermonnait à son heure. « À la campagne, au Clos, écrit-elle à Bosc, je ne vois plus rien, je pardonne tout : lorsque vous me saurez là, il vous sera permis de vous montrer tout ce que vous vous trouverez être au moment où vous prendrez la plume, original et même bourru, s’il le faut ; j’y suis en fonds d’indulgence ; mon amitié sait y tolérer toutes les apparences et