Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/365

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valaient aux généreux chrétiens la couronne du martyre. » « J’étais dévote comme Mme Guyon, dira-t-elle plus tard ; saint François de Sales, l’un des plus aimables saints du Paradis, avait fait ma conquête, et les dames de la Visitation dont il était l’instituteur étaient déjà mes sœurs d’adoption. » Ce furent les controverses de Bossuet, qu’elle avait pris pour fortifier sa foi, « qui l’engagèrent sur la voie de la raisonner. » Cependant les premiers ébranlements avaient laissé intact son cœur, sinon sa raison. Puis étaient venues les crises. « En réfléchissant sur toutes ces choses, remarque-t-elle, je trouvai que Rousseau n’était pas si ridicule qu’on voulait bien le dire, de prétendre mettre son élève à même de choisir une religion, plutôt que de s’ingérer à lui en donner une. » Elle avait passé de la croyance chrétienne au doute, du doute elle était revenue à la croyance ; elle a curieusement analysé elle-même l’état de son âme : « Je suis dévote, écrit-elle à Sophie Cannet, lorsque c’est mon cœur qui agit ; toutes les fois qu’il a l’empire, la religion triomphe ; je veux un Dieu, une âme, une immortalité ; le désir que j’ai qu’ils soient me persuade qu’ils sont : mon cœur reprend-il la tranquillité, alors mon esprit prend son vol, se balance dans les airs, veut croire et doute encore. » Une année passe et elle n’est pas arrivée à se fixer : « Je suis toujours dans la balance du doute et j’y dors paisiblement, suspendue comme les Américains dans leurs hamacs. Arrêtée dans ma conduite et mes sentiments, je vogue dans les opinions et je ne les adopte que conditionnellement, sans opiniâtreté ni chaleur. » « Successivement janséniste, cartésienne, stoïcienne, déiste, » toutes les idées philosophiques dont la nouveauté ou l’