Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/366

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éclat l’avait frappée devenaient siennes jusqu’à ce qu’une autre doctrine eût détrôné la précédente. Durant deux mois entêtée de Descartes, « elle n’avait pu regarder son chat, quand il miaulait, sans se persuader qu’il n’était qu’une mécanique qui faisait son jeu. » Mais rien n’effaça jamais de son âme le sentiment religieux. Dans la diversité des religions qui se partagent l’empire des esprits sur la terre, le christianisme lui paraissait sans contredit la plus respectable. « Sa morale est sublime et pure, écrivait-elle en reproduisant presque dans ses termes la déclaration de Rousseau, je l’aime et la révère ; si Jésus-Christ n’est pas un Dieu, il est l’homme le plus parfait qui ail existé, et l’Évangile est le plus beau livre que je connaisse. » L’existence d’un Dieu l’a toujours si intimement pénétrée, que l’autorité d’un monde entier n’aurait pu l’émouvoir. L’athée n’est point à ses yeux un esprit faux : elle peut vivre avec lui aussi bien et mieux qu’avec le dévot, car il raisonne davantage ; mais il lui manque un sens ; son âme ne se fond point entièrement avec la sienne : où il cherche un syllogisme, elle rend une action de grâces. Ce sentiment naïf et simple, jamais la philosophie dissertante ni aucune espèce d’égarement n’en a tari la source en elle. Comment la vie future se réalisera-t-elle, elle l’ignore ; ce qu’elle sait bien, c’est qu’elle se réalisera. Dans le flegme du raisonnement, elle peut ne croire à rien ; mais, rebutée des spéculations, elle ira chercher la vérité dans l’âme du pauvre en recueillant ses soupirs et en essuyant ses pleurs : que serait-il sans l’espoir d’un Dieu rémunérateur, et si cet espoir est bienfaisant, comment ne serait-il pas fondé ? Elle