Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/379

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que c’est une faute de ne cultiver chez les femmes que les grâces et les agréments ; qu’une éducation meilleure ferait des épouses plus dociles, des maris plus sages et conséquemment des hommes plus heureux ; que si les grandes connaissances, les sciences relevées pouvaient, il est vrai, faire concevoir aux femmes la fâcheuse ambition de dominer, une éducation sans fonds ne leur en inspirait pas moins l’envie et qu’il s’y joignait l’incapacité. « Un grand homme — c’est Jean-Jacques qu’elle désigne — a dit qu’une femme bel esprit était le fléau de son mari et de sa maison, écrivait-elle ; je crois qu’une ignorante sotte et frivole n’est pas un moindre fléau. Le vif amour du bien ne saurait résulter que de la vue distincte de son prix. Cette vue suppose nécessairement un jugement éclairé, l’habitude de réfléchir et le talent d’observer. L’ignorance est à l’esprit ce que l’aveuglement est au corps : elle nous retient dans les ténèbres et nous empêche d’agir… Nous ne sommes plus à ce temps où l’on imaginait qu’elle est la gardienne de la vertu et la garantie de la sagesse : ce préjugé, j’ose le dire, serait aujourd’hui plus sensible qu’il ne le fut jamais. Il faut aux femmes une force éprouvée pour résister au torrent de l’exemple et des connaissances raisonnées pour adopter les meilleurs principes. » Que nous voilà loin de la fiancée d’Émile, à qui Rousseau interdisait d’avoir des principes avant de se marier et dont le devoir étroit était d’épouser sans discussion, sans examen, ceux de son mari !

Ce qu’il ne faut pas moins combattre chez les femmes, dans l’opinion de Mme Roland, c’est l’excès de la sensibilité. Par cela même que la délicatesse de leurs organes les