Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/385

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de Lyon, « où il y avait sur les femmes beaucoup do choses dont plusieurs se sont mouchées et peut-être lui arracheraient les yeux, si elles apprenaient qu’elle y eût quelque part. » Elle sait se taire et se retrancher au besoin ses plus aimables agréments ; « il est tel vieillard épris de sa propre personne, jaloux de sa petite science longuement acquise, qui pourrait la voir dix ans sans se douter qu’elle sait autre chose que faire une addition et coudre une chemise. » Ses amis la traitent de gentille. « Gentille, oui vraiment, et ce n’est pas peu dire, car vous saurez qu’à Villefranche, en Beaujolais, on entend par cette expression appliquée à une femme, idem masculinée pour un homme, la pratique du bien, l’amour du travail, l’intelligence, l’activité, la maîtrise de soi. » Sa dévotion de jeunesse lui avait fait contracter l’habitude de la retenue ; le respect de sa dignité l’y a confirmée. À force de se sauvegarder, elle est arrivée à se régir ; elle en fait sa « volupté suprême : dans le siècle où elle est appelée à vivre, il est si facile de se laisser corrompre ou abaisser ! » « La philosophie, l’imagination, le sentiment, le calcul, étaient également exercés chez moi, » dit-elle ; et tout cela concourt à lui tenir l’esprit haut. C’est une stoïcienne ; elle en a l’âme tendue. Après la mort de sa mère, la légèreté de son père qui « se ruine à petit bruit » l’exalte froidement ; elle préférerait le « sifflement des javelots et les horreurs de la mêlée aux bruits sourds des traits qui la déchirent ; mais c’est la guerre du sage luttant contre le sort ; elle se venge à mériter le bonheur du sort qui ne le lui accorde pas. » Si elle a eu en sa vie plus de vertus que de plaisirs, « si l’on peut dire même qu’elle a été un exemple de l’indigence de