Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/386

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plaisirs, » elle ne le regrette ni ne s’en plaint. On lui proposerait de renaître avec le choix des dispositions, « qu’elle ne voudrait pas changer d’étoffe ; elle demanderait à Dieu de lui rendre celle dont il l’avait formée. »

Dans ses rêves de jeune fille, de quatorze à seize ans, elle voulait un homme poli ; de seize à dix-huit, elle avait souhaité un homme d’esprit ; à partir de dix-huit ans, il lui faut un vrai philosophe, « de manière que, si cela continue, à trente ans il lui faudra un ange humanisé. » À vingt-cinq ans, après avoir vu défiler sous ses yeux « la levée en masse des prétendants, » et alors qu’elle s’était arrêtée à la pensée du célibat, elle se décide à épouser Roland, mais elle ne s’y décide qu’après mûres réflexions faites dans la retraite d’un couvent. Elle ne se dissimule pas qu’un homme de moins de quarante-cinq ans n’aurait pas attendu plusieurs mois (Roland avait pris son temps) pour la déterminer à changer de résolution, et elle avoue bien que cela même avait réduit ses sentiments à une mesure qui ne tenait rien de l’illusion. Ce qu’à l’épreuve elle apprécie dans cet homme, c’est, avec le savoir et le goût qui ne manquaient pas à Roland, une âme forte, une probité austère, des principes rigoureux ; mais, « mariée dans tout le sérieux de la raison, elle ne trouve rien qui l’en tire. » Cette association grave et sévère ne suffit pas longtemps à remplir son cœur ; elle se réfugie alors dans l’affection de ses amies de couvent, dans ses propres pensées dont elle « aime la compagnie. » Un jour arrive cependant où la nature reprend ses droits, où « sa vigueur d’athlète » est impuissante à la défendre contre l’orage des passions. Tout