Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/39

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des filles est sa première œuvre. Mais les soins dont avait été entourée son enfance, une instruction étendue et forte, la méditation solitaire jointe à l’observation du monde, et surtout la pratique assidue de la direction des âmes, lui en avaient merveilleusement fourni les éléments[1]. « J’ai passé, écrivait-il en 1695, au moment de partir pour son exil de Cambrai, j’ai passé une jeunesse douce, libre, pleine d’études agréables et de commerce avec des amis délicieux. » Quelques traits de sa biographie empruntés à sa propre correspondance et aux Mémoires du temps permettront de se rendre compte des conditions dans lesquelles son génie pédagogique se développa.

L’importance du rôle qu’il attribue aux mères et la fermeté éclairée à laquelle il les convie ne permettent pas de douter qu’il n’ait dû beaucoup à la sienne, bien qu’il n’en parle dans aucun des écrits qui nous ont été conservés. « Son père, dit Michelet, un grand seigneur, M. Fénelon de Salignac, veuf et âgé, ayant de grands enfants, avait épousé, malgré eux, une demoiselle noble et pauvre, Louise de La Cropte de Saint-Abre. L’enfant qui vint de ce mariage fut fort mal reçu de ses frères, quoique, destiné à l’Église, il ne pût leur faire tort. Cette situation pénible ne contribua pas peu à lui donner la grâce et la douceur, une certaine adresse aussi, pour se faire pardonner de vivre. De ses ancêtres paternels, tous diplomates, il tenait quelque chose d’onduleux et d’insinuant. De sa mère il eut des dons aimables et singuliers, ces heureuses contradictions

  1. On sait que François de Salignac de La Mothe-Fénelon est né au château de Fénelon, en Périgord, le 6 août 1651, el qu’il est mort à Cambrai, le 7 janvier 1715.