Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/79

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se taire et conduire quelque chose, cette qualité si rare la distinguera dans son sexe. »

C’est aux applications à la vie, en un mot, que Fénelon ramène toute l’éducation des jeunes filles. J.-J. Rousseau les élève exclusivement pour plaire ; Fénelon les prépare à partager avec l’homme les devoirs de la famille. Il ne pouvait point ne pas faire la part des vocations religieuses, mais il ne les veut que spontanées, sincères et fortes. Le mariage est pour la jeune fille la fin de son éducation, — le mariage avec les occupations bienfaisantes qui en sont l’honneur et le charme. Fénelon, qui ne se paye pas de vaines formules et qui ne méprise rien de ce qui a sa place ou son prix dans l’existence, ne considère nullement que la beauté soit inutile « pour trouver un époux sage, réglé, d’un esprit solide et propre à réussir dans les emplois » ; mais cette beauté éphémère doit être doublée de vertus durables, enracinées dès l’enfance et fortifiées par l’habitude. Il demande donc que dès l’enfance « on mette la jeune fille dans la pratique, » c’est-à-dire qu’on la fasse participer au gouvernement du ménage, qu’on l’accoutume à voir comment il faut que chaque chose soit faite pour être de bon usage, à tenir le milieu entre le bel ordre qui est un des éléments essentiels de la propreté et l’esprit d’exactitude méticuleuse, les soins de bon goût et l’amour des colifichets. Il tient pour le plus sot des travers le dédain de ces femmes qui considèrent comme au-dessous d’elles tout ce qui les rattache aux travaux dont dépendent l’aisance et le bonheur de la famille, et qui sont disposées « à ne pas faire grande différence entre la vie de province, la vie champêtre et celle des sauvages du Canada. »