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SUZANNE NORMIS.

— Je n’en dis rien du tout, fit-elle les yeux baissés.

— Eh bien, qu’est-ce que tu en penses ?

— Je n’en pense pas grand’chose. Est-ce que les demoiselles ont le droit de penser quelque chose sur le compte des messieurs ? répondit-elle avec cette drôlerie qui la rendait si amusante.

— Quand les messieurs ont l’intention de les demander en mariage, répliquai-je, je crois que les demoiselles peuvent se permettre de les juger.

Suzanne ne répondit pas, et je vis que ma belle-mère avait agi sur elle pendant mon absence.

M. de Lincy vint le lendemain, et je l’autorisai à faire sa cour. J’en avais autorisé bien d’autres, que le vent avait emportés ; j’espérais qu’il en serait de même pour celui-ci… Hélas ! ma belle-mère était plus forte que moi à ce jeu-là ! Et puis il n’était pas bête, ce gros garçon, comme je l’appelais en dedans de moi-même avec dédain ; il amusait Suzanne, il la faisait rire. Ils étaient entrés facilement dans la familiarité de bon ton de gens qui se trouvent bien ensemble. Il voulait plaire, et il plaisait.

J’étais perplexe. Il ne me plaisait pas à moi ; je le trouvais grossier, sans avoir pourtant rien à