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SUZANNE NORMIS.

je n’avais pas le sou, tout allait bien ; à présent que j’ai des rentes, je n’ai plus goût à rien.

— Venez dîner avec moi, nous mettrons nos misères ensemble, lui dis-je. Moi aussi, je ne suis pas content de mon sort.

— Comment, vous avez des rhumatismes, et vous n’êtes plus content ? Mais que vous faut-il donc ?

Sa gaieté me rajeunissait ; grâce aux paroles du docteur et à la société de Maurice Vernex, je passai une soirée charmante.

Vers neuf heures du soir, nous étions dans mon cabinet à fumer de très-bons cigares, et comme il faisait froid, nous avions baissé les portières et les rideaux ; cette pièce, somptueuse et sévère à la fois, bien chauffée, doucement éclairée, était l’image de la vie large et confortable des gens de notre monde, et j’éprouvais un bien-être que je n’avais pas ressenti depuis longtemps, lorsqu’un petit bruit me fit retourner, et j’aperçus la tête blonde de Suzanne passée à travers la fente de la portière de velours.

— Comment ! lui dis-je, toi, à cette heure ? Viens vite te chauffer.

— Tu n’es pas seul… dit Suzanne en se dé-