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ROMAN D’UN PÈRE.

— Maman est là, lui dis-je, si tu veux, va la voir ; mais elle dort, et elle a très-froid ; il ne faut pas crier, tu la rendrais malade.

— Je serai bien sage, dit Suzanne en m’embrassant bien fort sans cesser de pleurer, mais je veux la voir.

Je jetai un châle sur la petite fille, et j’entrai dans la chambre. Le beau visage de ma pauvre chère femme était plus beau que jamais ; ses traits réguliers semblaient taillés dans l’ivoire ; seuls les yeux étaient entourés d’une ombre violette.

— Voilà ta maman ; tu peux l’embrasser, mais elle a bien froid, dis-je à Suzanne, qui regardait les cierges avec étonnement.

L’enfant soudain calmée, un peu effrayée, me laissa la porter jusqu’à sa mère. Soutenue par mon bras, elle mit un baiser sur le front jauni, qui n’avait pas eu le temps d’avoir des rides, puis elle se rejeta vers moi et m’embrassa à pleine bouche. Ses petites lèvres étaient encore froides du contact récent avec la mort. Je la serrai comme si l’on eût voulu me l’arracher, et je courus avec elle dans la pièce où l’on avait transporté son berceau.

Là, nous nous retrouvâmes tous deux en pos-