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SUZANNE NORMIS.

gretterait son ancienne existence, celle d’avant son mariage, qu’alors je ne lui suffirais plus… Il s’agissait de reculer ce jour autant que possible, mais quand il viendrait ?…

Il était venu.

Elle me regardait toujours et semblait attendre mes paroles. Je feignis de ne pas le voir, et je jouai avec mon pinceau. Nous étions dehors, à l’ombre, sur le versant est de la Falaise, à l’abri d’un grand rocher. La ville la plus proche s’étendait dans le lointain comme une buée blanchâtre, et, sur la route qui serpentait le long de la côte, la patache jaune apparaissait comme une lourde bête à la démarche irrégulière. Suzanne vit la voiture, et ses pensées prirent un chemin de traverse.

— Ils viennent des villes, ceux-là, dit-elle en indiquant le véhicule qui festonnait le long de la montée, ils savent ce qui se fait ailleurs, ils ont vu des pièces de théâtre, ils ont été au concert, ils ont entendu de la musique. Oh ! la musique, si douce à l’oreille, si douce au cœur !

Elle tomba dans une de ces rêveries qui m’avaient tant inquiété à Florence ; la nostalgie qui la dévorait n’était pas seulement le mal de la France, c’était le mal de Paris.