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ROMAN D’UN PÈRE.

qu’à notre retour. Je n’hésitai plus, et j’ordonnai de faire nos malles.

Avant de partir, Suzanne voulut faire le tour le son domaine, pour dire adieu à tous ses biens ; nous nous mîmes en route un beau matin. La gelée blanche s’était fondue aux premiers rayons du soleil ; mais, bien chaussés de chaudes galoches en bois, nous ne craignions pas la rosée. Suzanne me tenait par la main, suivant son invariable coutume, et poussait à la fois des cris de joie et des soupirs de regret à chaque lieu de prédilection, à chaque endroit qui lui rappelait un souvenir.

— Oh ! papa ! s’écria-t-elle quand nous arrivâmes au bord du ruisseau, te rappelles-tu ? c’est ici que nous avons pêché ce fameux goujon ! Pauvre petit, comme il était content de se retrouver dans l’eau ! Nous reviendrons l’année prochaine, dis ?

— Certes ! fis-je en lui serrant la main. J’aimais autant qu’elle ces lieux où elle avait été si heureuse.

— Voilà le moulin, dit-elle plus loin, en embrassant la vallée du regard, et le chemin où il pousse des fraises, et l’avenue d’ormes, et la