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ROMAN D’UN PÈRE.

pas le quitter même pendant le repos ; d’élever ensemble, avec les mêmes fatigues et la même tendresse, les enfants qui doivent vous remplacer dans la société… Elle me fit raconter mille fois ses premières années, les soins qu’elle nous avait coûté, comment sa mère était morte après l’avoir sauvée ; et je sentais bien que ces récits pénétraient dans son âme, pour y affermir le respect de la foi conjugale et de l’amour permis. Quant à l’autre, celui qui n’est pas permis, elle n’en soupçonnait pas l’existence.

Je recouvrai peu à peu la santé ; appuyé sur son épaule, car elle grandissait très-rapidement, je pus faire le tour du parterre, puis du parc ; nous allâmes nous asseoir au bord de son ruisseau, qui lui avait paru si grand jadis, et qu’aujourd’hui elle franchissait d’un bond comme une jeune amazone. Nous visitâmes ensuite le pays dans un petit panier traîné par un poney très-doux qu’elle conduisait elle-même, et toujours ensemble, heureux de ne pas nous quitter, nous vécûmes dans un cercle enchanté.

— Tu es toute ta mère ! lui dis-je un soir, touché jusqu’aux larmes pendant que, penchée sur moi, elle cherchait la page dans mon livre