Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/113

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la force des armes. Mais d’autres influences agissaient en sens contraire, car aussi bien, depuis l’aventure de Bethsabée, mainte intrigue s’agitait à la cour de David. Joab était opposé à l’avènement du dernier-né, Salomon, conséquemment favorable à celui de l’aîné, maintenant Absalon. Achitophel aussi, l’infaillible conseiller de David, tenait à ce qu’on épargnât Absalon, dont il comptait se servir comme d’un instrument contre le roi son père. D’autre part, Adonias, quatrième fils de David, souhaitait que son frère consanguin fût rigoureusement puni, jugeant plus facile d’écarter Salomon, cet héritier tard venu, qu’un Absalon qui ne reculait devant rien. Si donc le fratricide était puni, c’est à lui-même qu’écherrait la succession. Adonias et sa mère Hagghit devaient donc pousser à l’exécution d’Absalon ; mais Joab et Achitophel étaient plus habiles, et il dépendait d’eux de faire échouer une expédition contre le fugitif ou contre l’aïeul qui lui donnait asile.

David ayant néanmoins résolu de faire saisir le coupable ou de réclamer son extradition (bien qu’il fût absent depuis trois ans déjà), Joab eut recours à un stratagème pour le détourner de ce dessein. Il fit venir de Tekoa — une ville du voisinage — une femme renommée par la finesse et l’habileté de sa parole, et concerta avec elle un plan d’après lequel elle montrerait au roi, dans un chaleureux discours, combien il était inhumain, de la part d’un père, de vouloir immoler son propre fils pour un meurtre qui, après tout, avait bien son excuse. L’intelligente mandataire se rendit auprès du roi en costume de deuil, et, se courbant jusqu’à terre : A mon aide, ô roi ! à mon aide ! dit-elle d’une voix gémissante. David s’informa du sujet de sa plainte, et elle lui débita une fable qu’elle avait imaginée. Sous l’ingénieux déguisement de sa pensée, le roi devina l’allusion et l’invita à lui dire franchement si cette démarche et ce discours n’étaient pas inspirés par Joab. La femme lui en fit l’aveu ; sur quoi le roi manda Joab, lui assura qu’il n’avait plus de mauvais desseins contre Absalon et lui donna ordre de le faire venir à Jérusalem. La sage habitante de Tekoa lui avait fait comprendre que la poursuite d’un fils par son propre père était une véritable énormité.

Joab alla lui-même chercher Absalon à Gessur et le conduisit