Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/166

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pas plus sage et plus salutaire pour le royaume des dix tribus de prendre entièrement le caractère phénicien ou tyrien ? Parentes déjà par la langue et les mœurs, les deux nations ne se mêleraient-elles pas plus intimement encore, si la religion phénicienne devenait également celle d’Israël ? Cette fusion, Omri la prépara : il fit du culte de Baal et d’Astarté la religion officielle, construisit un temple à Baal dans sa capitale Samarie, y appela des prêtres et ordonna de sacrifier partout aux dieux phéniciens. Le culte du taureau devait disparaître à Béthel et à Dan, comme trop israélite encore et comme constituant une barrière entre les Phéniciens et les Israélites : que Dieu fût honoré sous une image visible ou non, il ne cessait pas d’être en opposition avec le Baal ou l’Adonis tyrien, et Omri entendait abolir tout contraste.

L’innovation d’Omri avait une portée bien plus grande que celle de Jéroboam, ou, pour parler le langage des Écritures, il agissait d’une manière beaucoup plus criminelle que ses prédécesseurs. Il voulait ravir au peuple son Dieu et ses origines, lui faire oublier qu’il devait former un peuple spécial, opposé aux idolâtres. Les sources historiques n’indiquent pas l’accueil fait à cette nouveauté. Omri étant mort six années après la fondation de Samarie (vers 923), la révolution qu’il avait voulu introduire dans les habitudes et les opinions n’avait encore pu jeter de profondes racines. Ce fut son fils Achab (922-901) qui la poursuivit, comme pour obéir aux dernières volontés de son père.

Mais l’exécution d’un tel attentat sur ce que l’homme a de plus intime, quelle que soit l’énergie de la main qui l’entreprend, dépend de circonstances ou d’un ensemble de faits qui échappent au calcul le plus sagace. La fusion des dix tribus avec Canaan rencontra deux obstacles, l’un dans le tempérament d’Achab, l’autre dans une réaction inattendue qui affaiblit, sinon paralysa la violence de l’effort. Pour faire d’Israël une annexe de la Phénicie et le rendre étranger à lui-même et à ses traditions, il eût fallu au successeur d’Omri un esprit énergique, une volonté inflexible et la dureté la plus entière ; à cette condition seule il pouvait briser toute résistance. Mais Achab était presque tout l’opposé : faible, doux, ami du repos et du bien-être, plus enclin à fuir ou à tourner les difficultés qu’à les chercher et à les résoudre.