Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/171

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du reste, sa ferveur lui avait créé des intelligences en bon lieu : l’intendant du palais, Obadia, tenait secrètement pour l’ancienne loi et, chargé peut-être de traquer les prophètes, en cacha cent dans deux grottes du mont Carmel, où il les approvisionna de pain et d’eau. Et il n’était certainement pas seul. Le Thisbite devint ainsi un pouvoir dont il ne fut pas aisé d’avoir raison ; comment d’ailleurs Jézabel eût-elle lutté avec un invisible ennemi, qui trouvait des auxiliaires jusque sous son propre toit ?

Un jour Élie, bien que séparé de ses disciples, s’avança seul jusqu’auprès d’Achab, dont il connaissait le caractère impressionnable, pour lui reprocher un crime qu’il venait de laisser commettre. Grand amateur de construction, le fils d’Omri, après avoir relevé les murs de Jéricho, renversés depuis Josué, avait fondé une ville dans la plaine de Jezréel et, dans cette nouvelle résidence, s’était élevé un palais splendide, qu’il voulut entourer de jardins. Ce devait être son séjour d’hiver, Samarie ne servant que l’été. Mais il lui fallait, pour achever l’entreprise, une vigne située à proximité et qui appartenait à l’un des plus notables habitants, appelé Naboth. Achab offrit de l’acheter ; Naboth refusa ; d’en donner une autre en échange, refus encore : Naboth ne voulait à aucun prix vendre l’héritage de ses pères. Le faible roi en fut si affligé qu’il cessa de manger. Jézabel, le trouvant dans cette douleur, commença par le railler, puis se chargea de lui procurer satisfaction. Plusieurs des Anciens lui étaient dévoués corps et âme : elle les fit appeler et les pria de convoquer une assemblée où, par la bouche de deux témoins, ils accuseraient Naboth de blasphème. Ce tribunal réuni, deux misérables s’avancèrent, dirent avoir appris que Naboth avait proféré des outrages contre Dieu et le roi ; l’infortuné fut aussitôt appréhendé et, sur l’heure, exécuté avec ses fils. Les biens des suppliciés revenant au roi, Jézabel triomphait : Maintenant, dit-elle à son époux, tu peux la prendre, la vigne de Naboth, car il est mort ! — Achab visitait justement la vigne, accompagné de deux hommes à cheval, dont l’un devait plus tard venger Naboth, lorsque Élie apparut : Tu as assassiné et voilà que tu prends possession, lui cria d’une voix tonnante le prophète ; mais Dieu a vu couler le sang de Naboth et de ses fils, et sur ce champ même il t’en châtiera ! Achab, terrifié, rentra