Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/236

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la pression d’autres événements pour donner cette hardiesse au roi. L’impulsion décisive lui vint en premier lieu d’un prophète qui, tout adolescent encore, n’en avait pas moins une grande puissance de parole, et ensuite d’un livre dont la lecture lui donna conscience de toute sa faiblesse. Ces deux causes agirent l’une et l’autre avec une force victorieuse : elles propagèrent de meilleurs sentiments chez une plus grande partie du peuple et rajeunirent l’antique religion en la parant des couleurs de la poésie. Le jeune homme, c’était Jérémie ; le livre, le Deutéronome.

Jérémie (Yeremiyahou), fils de Chilkia, de la race d’Aaron (né vers 645, mort vers 570), était originaire d’Anatoth, petite ville de la tribu de Benjamin. Sans être riche, il n’était pas ce qui s’appelle pauvre. La richesse véritable, il la possédait en son âme, pure comme un cristal limpide ou comme la source vierge dans les profondeurs du sol. D’un cœur tendre et enclin à la tristesse, il éprouva dès son jeune âge un sentiment de douleur au spectacle de la décadence religieuse et morale qui régnait autour de lui. La fausseté, la bassesse, la dépravation lui répugnaient et, lorsqu’elles frappaient ses regards, le remplissaient d’affliction. L’acharnement que les prêtres d’Anatoth, ses compatriotes, mirent à le poursuivre dès ses premiers actes, ne permet pas de supposer qu’ils aient été ses maîtres. C’est donc, selon toute apparence, à la lecture des prophètes anciens que se formèrent son caractère et son jugement, et de fait, il s’absorba dans leurs écrits au point de s’approprier leurs pensées, leurs tours de phrase et jusqu’à leurs expressions. Ce commerce intellectuel détermina la direction de son esprit, te pénétra de vues élevées sur la personne de Dieu et le régime de l’univers, sur la grandeur du passé d’Israël et l’importance de sa mission dans l’avenir ; il lui enseigna surtout la haine de l’immoralité et le mépris de l’idolâtrie.

Avec cette hauteur d’idées, il se sentit bientôt comme étranger dans son milieu natal d’Anatoth. Néanmoins, jeune et timide comme il était, il ne lui venait pas à la pensée d’entrer en lutte avec son entourage, lorsque tout à coup l’esprit prophétique descendit sur lui. Comme jadis Samuel dans la tente du sanctuaire de Silo, il ouït distinctement une voix qui lui parlait : Avant que je t’eusse