Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/92

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semble, sans prestige ni consécration divine, n’était roi que de nom. Toute sa puissance reposait dans les mains de son général Abner. Isboseth vivait dans un coin écarté de la Transjordanie, était à peine informé des événements, tandis que David résidait au cœur de sa tribu et pouvait, d’Hébron, diriger toutes choses. — C’est ainsi qu’une guerre civile éclata entre les maisons d’Israël et de Juda, ou entre la famille de Saül et celle de David, lorsque Abner eut gagné ou regagné toutes les tribus, sauf celle de Juda, à la cause d’Isboseth. Cette guerre dura deux ans (de 1051 à 1049).

Une fatalité tragique s’abattit sur la maison de Saül. Abner s’était épris de la belle Rispa, concubine de Saül, qui demeurait, elle aussi, avec ses deux fils, à Mahanaïm. Bien qu’Isboseth fût contraint de passer beaucoup de choses à son général, dont les services lui étaient indispensables, il ne pouvait lui permettre, avec la veuve de son père, des privautés qui impliquaient usurpation de la dignité royale. Il adressa donc une réprimande à Abner. Celui-ci s’en offensa, reprocha à ce fantôme de roi son ingratitude et lui tourna le dos ; puis il entama sous main des négociations avec David, s’engageant à lui procurer l’adhésion de toutes les tribus. En retour, il stipula sans doute qu’il conserverait ses fonctions de général en chef. David y acquiesça avec joie, mais exigea d’abord, comme gage du traité, qu’on lui rendit sa bien-aimée Michal, que Saül lui avait enlevée et avait donnée pour femme à un Benjamite, nommé Paltiel. On peut admettre qu’Isboseth lui-même reconnut la justice de cette réclamation et n’en conclut rien de fâcheux pour ses propres intérêts. Abner quitta donc son roi, sous prétexte de mener à bonne fin la revendication relative à Michal ; il se rendit au canton de Benjamin et la reprit à Paltiel, qui l’accompagna en pleurant jusqu’à une certaine distance, mais qui, sur l’injonction d’Abner, dut s’en retourner chez lui. David rentra ainsi en possession de ses premières amours. Abner commença alors sa campagne parmi les tribus et entreprit de gagner en secret des partisans à David. Nombre d’israélites désiraient sans doute, au fond du cœur, que cette malheureuse guerre civile se terminât par une soumission au roi judaïte, et même plusieurs Benjamites n’étaient pas défavorables à un arrangement. Avec