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CHAPITRE II


EZRA ET NÉHÉMIE
(459-420)


Rarement les évolutions historiques s’accomplissent d’une manière assez brusque, assez tranchée, pour que les contemporains eux-mêmes en soient frappés, et pour que, à chaque phase, à chaque manifestation de la vie, ils s’aperçoivent que l’ancien régime n’est plus et a fait place à un nouvel ordre de choses. D’ordinaire, la génération témoin d’une de ces crises n’a pas conscience du changement qui s’accomplit en elle-même, dans ses idées, dans ses mœurs et jusque dans sa langue. C’est une transformation de ce genre, insensible d’abord, plus tard radicale et complète, qui s’était opérée au sein du judaïsme dans la première moitié du Ve siècle. Tout en croyant continuer purement et simplement l’œuvre de leurs devanciers, de la même façon et par les mêmes moyens, les Judaïtes s’étaient transformés et ils collaboraient, sans le savoir, à une situation nouvelle. Ce ne fut point Juda et Jérusalem, ce fut la région de l’exil qui servit de point de départ à cette transformation ; mais elle les engloba bientôt, eux aussi, et les marqua de son empreinte.

Un grand nombre de descendants des premiers exilés, mus par des raisons d’intérêt, de convenance personnelle ou d’autres causes, étaient restés en Babylonie. Eux aussi, cependant, avaient salué avec enthousiasme le retour à Jérusalem et la restauration de l’État judaïque ; ils s’y étaient associés par leurs vœux et par leurs riches offrandes. Un lien étroit, d’ailleurs, les rattachait aux rapatriés, puisqu’ils comptaient parmi eux des membres de leurs propres familles. Aussi des relations actives s’établirent-elles entre la mère patrie et ce qu’on pourrait appeler la colonie judaïte des