Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/267

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de l’aristocratie judaïque, par l’abjection des grands prêtres, par la discorde des partis, avaient tellement surexcité l’attente du libérateur, du Messie (Maschiach) annoncé par les prophètes, qu’il était facile à tout individu, tant soit peu doué de hautes facultés, de trouver des adhérents enthousiastes, convaincus de sa mission. Il suffisait qu’il en eût l’apparence extérieure ou qu’il sût gagner les cœurs par sa piété et ses mœurs austères. Les plus sages ne croyaient-ils pas d’ailleurs que la situation politique, telle qu’elle existait depuis l’exil de Babylone, n’était qu’une situation transitaire, une ère de préparation à la venue du vrai prophète, d’Élie, qui devait reparaître pour réconcilier les pères avec les enfants et rétablir les tribus de Jacob ? Lorsque le peuple, dans une élection solennelle, déféra le titre de prince à Siméon, l’Hasmonéen, il eut soin de ne lui accorder le pouvoir, à lui et à ses descendants, que jusqu’au jour où surgirait le véridique prophète, qui rendrait la couronne à son légitime héritier, c’est-à-dire au descendant de David, à l’Oint (Maschiach). Au moment où l’empire romain fut ébranlé par la commotion violente qui suivit la mort de César, et où les triumvirs Octave, Antoine et Lépide, sous prétexte de venger cette mort, secouaient l’Orient et l’Occident par des guerres sanglantes, un poète sibyllin, d’origine judaïque, vivant en Égypte, annonçait une révolution autrement grave, la chute du monde païen tout entier et l’avènement du royaume de Dieu, où le sceptre appartiendrait à un saint roi, au Messie :

Quand Rome régnera sur l’Égypte, soumise à son pouvoir, alors apparaîtra le plus grand des empires, l’empire du roi immortel. Un saint roi viendra, qui dominera toutes les contrées de la terre, à travers les générations périssant tour à tour. L’ère messianique, attendue avec tant de conviction, devait changer la face des choses et créer en quelque sorte un ciel nouveau et une terre nouvelle. Avec l’apparition d’Élie, son précurseur, on attendait la résurrection morts et une rénovation de la face du monde.

A part l’aristocratie et les gens dévoués à Rome, qui, satisfaits du présent, avaient plutôt lieu de craindre un changement que de le souhaiter, le gros de la nation attendait impatiemment un sauveur.