Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/287

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selon ses œuvres. Ils croyaient même que quelques-uns de ceux qui vivaient alors ne mourraient point qu’ils n’eussent vu le Fils de l’homme entrer dans son royaume (parousia). Ainsi les croyants attendaient à tout instant le retour de Jésus, en quoi ils ne différaient aucunement des Judéens, sauf qu’ils voyaient dans le Messie une personnalité déjà connue. A son retour, estimaient-ils, Jésus fondera le règne de mille ans, le jubilé millénaire (chiliasmos, millénium), qui aura lieu quand l’univers aura accompli son sixième mille, et qui apportera aux croyants toutes les délices de la paix, toutes les félicités terrestres. Pour entretenir cette croyance, il fallait que Jésus eût triomphé de la mort, qu’il fût ressuscité. Peut-être comme pendant l’épisode biblique du prophète Jonas, qui avait passé trois jours dans le ventre d’un poisson, se forma la légende selon laquelle Jésus était resté trois jours dans le sépulcre, qu’il en était ressorti vivant, que sa tombe avait été trouvée vide. Beaucoup de ses partisans prétendirent l’avoir vu, qui en tel lieu, qui en tel autre, lui avoir parlé, avoir touché ses plaies et même avoir mangé avec lui des poissons et du miel vierge. Dans ces âmes croyantes, il ne restait pas la moindre place au doute.

Toutefois, quelque grande que fût la vénération des premiers croyants pour Jésus, de quelque auréole qu’ils l’aient entouré, ils ne l’ont pas placé au-dessus de la sphère humaine : leur enthousiasme n’allait pas jusqu’à le diviniser. Ils le tenaient simplement pour un homme supérieur, admirablement doué, attaché plus que personne à la loi de Dieu, et que Dieu, par ce motif, avait jugé digne d’être son Messie. Aussi, eux-mêmes restèrent-ils fidèles à la loi judaïque, observant le sabbat, la circoncision, les lois alimentaires, et vénérant Jérusalem et le temple. Pourtant, à coté de leur croyance à Jésus Messie, ils se distinguaient des autres Judéens par certaines particularités empruntées à l’essénisme. Leur trait le plus caractéristique, c’était la pauvreté volontaire que Jésus leur avait appris à accepter. De là, le nom d’Ébionites (les Pauvres) qu’ils reçurent ou se donnèrent eux-mêmes. Par suite, la vie en commun avec la communauté de biens devenait une nécessité pour eux. Chaque nouvel affilié vendait donc son avoir et en remettait le produit à la caisse commune. Sur ce point, les premiers chrétiens ou Judéo-Chrétiens,