Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/295

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qui le déposséda de sa tétrarchie et l’exila à Lyon, dans les Gaules (39). Sa femme le suivit dans cet exit avec une fidélité assez inattendue. Le dernier fils d’Hérode et sa petite-fille — Antipas et Hérodiade — moururent ainsi sur la terre étrangère. L’empereur abandonna leur succession à son ami Agrippa, dont la puissance territoriale, augmentée des principautés de la Galilée et de la Pérée, acquit de la sorte une notable importance.

La faveur que Caligula lui avait témoignée, et qui ne pouvait manquer de s’étendre à ses coreligionnaires, excita l’envie des païens et fit notamment éclater contre les Judéens la haine implacable qui couvait depuis longtemps dans le cœur des Grecs d’Alexandrie. De fait, les Judéens avaient des ennemis secrets ou déclarés dans tout l’empire romain. C’était un mélange de haine de race et de haine religieuse, à laquelle se joignait une vague appréhension de voir ce petit peuple, si méprisa et si fier, parvenir un jour à la toute-puissance. Mais nulle part ces dispositions malveillantes n’avaient atteint un aussi haut degré que parmi la population grecque d’Alexandrie, population turbulente, oisive et encline au dénigrement. Elle voyait d’un œil jaloux l’activité et le bien-être de ses concitoyens israélites, qui lui disputaient le premier rang sous le rapport de la fortune et même de la culture littéraire et philosophique. Cette haine datait de l’époque où une reine d’Égypte avait confié le soin des affaires extérieures à des généraux judéens ; et elle s’aviva encore par les préférences dont les Judéens furent l’objet de la part des premiers empereurs romains, qui se fiaient plus à leur fidélité qu’à celle des Grecs. Des écrivains malveillants avaient fomenté ce sentiment haineux et, pour rabaisser les Judéens, avaient dénaturé leur histoire. Le philosophe stoïcien Posidonius, originaire d’Apamée, en Syrie, qui avait assisté à l’essor de la nation judaïque sous les Hasmonéens Hyrcan Ier, Alexandre Ier et la reine Alexandra, et qui avait vu la chute du royaume de Syrie, fut le premier qui donna cours à des fables sur l’origine et le culte des Judéens, ou propagea celles qui avaient été imaginées par les flatteurs d’Antiochus Épiphane. L’invention ridicule qui attribuait aux Judéens l’adoration d’une tête d’âne, les accusations calomnieuses qui leur reprochaient d’engraisser un Grec dans le temple de Jérusalem pour le sacrifier