Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/304

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Avant d’avoir reçu la lettre de Pétronius, Caligula avait déjà modifié ses dispositions envers les Judéens, grâce à l’intervention d’Agrippa. Ce roi avait une si grande influence sur Caligula que les Romains l’appelaient, lui et Antiochus de Comagène, ses maîtres en tyrannie. Agrippa résidait alors de nouveau près de l’empereur. Sans doute, il ne voyait pas avec indifférence la prétention de ce despote insensé, d’introduire sa statue dans le temple de Jérusalem et de s’y faire adorer ; mais il était trop courtisan pour heurter de front les lubies du maître. Au contraire, il affecta une parfaite insouciance de la détresse de ses coreligionnaires. Il prépara un festin somptueux, composé des mets les plus recherchés, et il y convia l’empereur et ses favoris. Mais, sous le masque de cette indifférence apparente à l’endroit de ses coreligionnaires, il n’atteignit que mieux son but. Caligula, captivé par ses prévenances, invita Agrippa à lui demander une faveur. Il fut bien étonné lorsque celui-ci lui demanda, pour toute grâce, de révoquer l’édit concernant sa statue. Il ne s’était pas attendu à le voir si désintéressé, si pieux, si ferme vis-à-vis de lui. Le rusé Caligula se trouvait pris. N’osant, lui empereur, reprendre sa parole, il écrivit à Pétronius (nov.-décembre 40) une lettre pour l’inviter, dans le cas où sa statue ne serait pas encore placés dans le temple, à laisser tomber cette affaire. Mais lui-même, entre temps, reçut la lettre où Pétronius lui exposait son embarras et l’extrême difficulté de sa mission. Il n’en fallait pas davantage pour allumer la fureur de cette nature passionnée et fantasque. Un contre-ordre, accompagné de menaces terribles, enjoignit de procéder, sans aucun ménagement, à l’installation de sa statue dans le temple. Mais, avant que Pétronius reçut cette lettre, également redoutable pour les Judéens et pour lui-même, la nouvelle s’était déjà répandue de la mort de ce fou couronné (21 janvier 41), assassiné par le prétorien Chéréa. C’est le 22 schébat (mars 41) qu’on apprit cet événement inespéré, qui sauvait les Judéens d’une catastrophe imminente ; aussi cette date fut-elle instituée comme celle d’une fête solennelle.

Le successeur de Caligula sur le trône des Césars fut Claude, un idiot doublé d’un pédant. Cet empereur devait sa couronne au hasard et à l’intervention du roi Agrippa, qui l’avait décidé à