Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/318

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Il y eut aussi toute une série d’écrits en prose, sortis de l’école judéo-grecque, qui n’avaient d’autre but que de montrer l’inanité du paganisme et de présenter le judaïsme sous un aspect favorable. Pour forcer les païens à reconnaître sa supériorité, ils leur citaient comme modèles des rois païens qui étaient arrivés à se convaincre que le paganisme était une religion pleine d’idées creuses et vaines, et que le judaïsme était la vérité elle-même. Un de ces livres, qui produisit une impression profonde, fut une œuvre philosophique dont on attribua la paternité au roi Salomon en l’intitulant la Sapience de Salomon (Sophia).

Mais, en s’adonnant à la littérature et à la philosophie des Grecs, en prenant leur harmonieux idiome comme instrument d’attaque contre le culte et les mœurs dépravées des païens, les Judéens de langue grecque dépassèrent le but qu’ils voulaient atteindre. Ils étaient partis de cette pensée de rendre le judaïsme et ses principes acceptables aux Grecs, mais insensiblement il leur devint étranger à eux-mêmes. Les idées grecques avaient si bien envahi leur esprit qu’ils finirent par ne plus voir dans les doctrines judaïques que l’expression de ces mêmes idées. Leur attachement même à la foi de leurs pères les amenait à se faire, volontairement en quelque sorte, illusion sur ce point. Ils ne trouvaient point, à la vérité, dans la Bible assez de données pour placer, en regard de chaque proposition de la philosophie régnante, un texte correspondant. Mais nos écrivains d’Alexandrie surent tourner cette difficulté.

A l’exemple de certains philosophes grecs qui retrouvaient dans les vers d’Homère leurs propres systèmes ou les en déduisaient par de subtiles interprétations, au moyen de l’allégorie, qui donnait aux mots un sens nouveau et plus profond en apparence, les penseurs judéens appliquèrent le même procédé à la Bible. Partant de l’hypothèse qu’il n’est pas possible, pas même permis d’y prendre tout à la lettre, sous peine de rabaisser la majesté divine ou de porter atteinte à la considération des prophètes, ils s’attachèrent, eux aussi, aux subtilités de l’interprétation allégorique ou topologique.

Cette manie de l’allégorisme devint si contagieuse et s’empara tellement des esprits que la foule elle-même ne trouvait plus de