Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/322

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d’un Dieu créateur du monde et celle d’un Être parfait, sans relation possible avec la matière, Philon imagine des êtres intermédiaires entre Dieu et l’univers. Dieu crée d’abord un monde spirituel, le monde des idées, qui ne sont pas seulement les prototypes des choses à créer, mais encore les puissances actives, les causes efficientes, entourant Dieu comme un cortège de serviteurs. C’est par ces forces spirituelles que Dieu agit indirectement sur le monde.

La somme de ces forces intermédiaires est ce que Philon nomme le Logos ou la Raison divine agissante, la Sagesse divine, l’Esprit de Dieu, la Cause des causes. Pour Philon, plus poète que philosophe, le Logos est le premier-né de Dieu, placé sur la limite de l’infini et du fini, les reliant et les séparant tout ensemble. II n’est ni incréé comme Dieu, ni créé comme les êtres finis. Le Logos est le prototype de l’univers, le représentant de Dieu, qui transmet ses ordres au monde ; l’interprète qui lui signifie ses volontés, l’exécuteur qui les fait obéir, l’archange intermédiaire des manifestations divines, le grand prêtre qui intercède pour le monde auprès de Dieu.

Cette conception obscure et nuageuse du Logos fut adoptée et utilisée par le christianisme naissant, qui voulait se donner un vernis philosophique et ne fit que rendre l’obscurité plus épaisse encore. Sans l’avoir prémédité, sans se douter même de l’avènement du christianisme, Philon l’égara et lui fit prendre un feu follet pour le soleil.

Du reste, plus qu’aucun de ses devanciers, l’illustre philosophe d’Alexandrie porta de rudes coups au paganisme abject et corrompu de la Grèce et de Rome. Toutes ses réflexions sur les lois judaïques n’ont d’autre but, au fond, que d’en faire contraster la pure lumière avec les taches de l’idolâtrie, avec les dévergondages de la chair, les croyances vides et vermoulues du monde gréco-romain. Toutefois Philon n’en jugea pas moins nécessaire de défendre le judaïsme contre les accusations mensongères dont il était l’objet et d’en démontrer la grandeur par le simple exposé des faits. Ses principaux écrits furent composés avant tout pour ses coreligionnaires ; mais il voulait aussi que sa voix portât au delà de la Synagogue.