Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/323

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Aux quelques lois humanitaires que les Grecs se vantaient de posséder de vieille date, comme la défense de refuser le feu, le devoir de remettre l’égaré dans son chemin, etc., il ne lui fut pas difficile d’opposer une quantité de lois de miséricorde, expressément énoncées dans le Pentateuque ou transmises par tradition orale. En tête de ces dernières, Philon place la belle sentence de Hillel : Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fit. Le judaïsme ne se borne pas à défendre de refuser le feu et l’eau : il veut encore qu’on fournisse aux pauvres et aux faibles ce qui est nécessaire à leur subsistance. Il défend de se servir de faux poids, de fausses mesures, de fausse monnaie. Il défend de séparer les enfants de leurs parents, la femme de son époux, quand ils sont esclaves, le fussent-ils devenus par voie judiciaire. La loi juive prescrit la douceur, même envers les bêtes : Qu’est-ce que vos rares préceptes, s’écrie Philon, en comparaison de ceux là ? — Aux perfides accusations dirigées contre Moïse : Certes ! répond ironiquement Philon, Moïse a dû recourir à la magie, pour avoir pu faire vivre un peuple entier perdu dans un désert, manquant de tout, exposé à mourir de faim et de soif ; que dis-je ! pour avoir su, malgré les discordes intérieures et les rébellions contre lui même, le rendre docile et le plier à sa volonté !

Des trois grandes figures qui se succédèrent dans l’espace d’un siècle et qui le dominent de leur hauteur morale : Hillel le Babylonien, Jésus de Nazareth et Philon d’Alexandrie, Philon est la première, car c’est lui qui a le plus contribué à la glorification du judaïsme. Il surpasse les deux autres par la perfection de la forme comme par la richesse des pensées, et sa chaleur de conviction n’a rien à envier à la leur. Les premiers n’ont fait que donner l’impulsion, et ce sont leurs disciples qui ont répandu l’idée mère, non sans mainte altération. Philon, par ses écrits savamment travaillés, a exercé une influence plus directe et plus profonde : les païens lettrés qui lisaient ses œuvres, plus encore peut-être que ne faisaient les Judéens, se laissaient gagner à l’enthousiasme avec lequel elles leur parlaient de Dieu, du législateur Moise et de l’esprit des lois divines. Philon et les sages d’Alexandrie, continuant en quelque sorte l’œuvre des grands prophètes Isaïe, Habacuc, Jérémie, dévoilèrent