Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/335

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des autels et l’adorant comme un dieu. Les esprits droits et purs cherchaient un dieu vers lequel ils pussent élever leur pensée, et ne le trouvaient point. Survient Paul, qui les met en possession de ce dieu, — un dieu, il est vrai, qu’il entoure d’une auréole de miracles, mais cette teinte mythologique était un attrait de plus : le Fils de Dieu sonnait mieux à l’oreille païenne que le Messie libérateur. De plus, en regard de l’immoralité profonde qui s’étalait au grand jour à Rome et en Grèce, inconduite des femmes, lubricité des hommes, dépravation de l’amour, Paul avait beau jeu pour recommander et faire goûter la doctrine judaïque. Ce que les écrivains judéo-alexandrins, les auteurs sibyllins, l’auteur du livre de la Sapience et Philon avaient enseigné, à savoir : que la corruption des païens avait sa source dans le polythéisme, Paul le développa avec son entraînante éloquence : Ils ont changé la gloire du Dieu vivant en simulacres de l’homme périssable, d’oiseaux, de quadrupèdes, de reptiles. C’est pourquoi aussi Dieu les a livrés à leur sens réprouvé, en sorte qu’ils ont déshonoré eux-mêmes leurs propres corps.

Des prédications de ce genre, débitées avec feu par un homme qui faisait passer toute son âme dans ses paroles, ne pouvaient manquer de produire une profonde impression sur les bons esprits et les consciences honnêtes. Ajoutez à cela les terreurs de l’époque, le vague pressentiment de la fin du monde, pressentiment que Paul, avec sa conviction du prochain retour de Jésus, transforma en espérance, annonçant aux croyants que les morts ressusciteraient avec des corps transfigurés et que les vivants seraient enlevés au ciel sur une nuée, dès que la divine trompette aurait donné le signal. C’est ainsi que, dans ses nombreux voyages apostoliques de Jérusalem jusqu’à l’Illyrie, Paul s’empara de l’esprit d’une foule de païens. Cependant, au début, il ne recruta guère que des gens de basse condition, des ignorants, des esclaves, et surtout des femmes. Aux yeux des Grecs lettrés, le christianisme que prêchait Paul et qu’il appuyait uniquement sur la résurrection de Jésus, dont il se disait témoin, n’était qu’une ridicule folie. Les Judéens devaient nécessairement s’en scandaliser. Car enfin, le point de départ de Paul pour convertir les païens, c’était la littérature et la doctrine judaïques : sans elles, ses prédications au sujet d’un