Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/394

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un intérêt de cœur. De fait, l’amour que lui portait Titus était trop manifeste pour qu’on doutât dans son entourage de la voir devenir la femme du fils de Vespasien. Ne devait-elle pas employer pour faciliter ce résultat tous les moyens que lui fournissaient sa beauté et son astuce féminine ? Le grand point était de gagner Tibère, et à cet égard sa réussite fut complète. Le gouverneur d’Égypte se hâta de faire jurer par ses légions fidélité à l’empereur Vespasien (1er juillet 69). Cet acte fut décisif pour la future dynastie. Quelques jours plus tard les légions de Judée, plus tard encore celles de Syrie, rendaient à leur tour hommage à Vespasien. Lorsque celui-ci se vit revêtu de la dignité impériale, la Judée n’entra plus guère dans ses préoccupations. Vespasien et son fils se rendirent en Égypte, et y restèrent jusqu’au moment où ils apprirent la mort ignominieuse de Vitellius (21 ou 22 décembre 69). Mais que devenait Jérusalem pendant les deux ans de repos que Vespasien lui avait laissés ? Indépendamment des modérés, il y avait à l’origine quatre partis dans cette ville. Les zélateurs de Jérusalem, qui obéissaient à Éléazar ben Siméon, ne comptaient pas plus de 2.400 membres. Ceux de Galilée, commandés par Jean, se montaient à 6.000. Le parti de Siméon, réuni aux sicaires, allait à 10.000. Les Iduméens, sous la conduite de Jacob ben Sosa et de Siméon ben Kathla, comptaient 5.000 hommes. Il y avait donc 24.000 guerriers résolus, dont le courage allait jusqu’à la témérité ; quels prodiges n’auraient-ils pas accomplis sur les champs de bataille, s’ils eussent agi avec ensemble ? Mais chaque parti voulait prédominer, et cela non seulement par ambition, mais parce qu’il s’exagérait sa propre force. Aucun des chefs ne possédait la vertu de la subordination. Les gens d’Éléazar prétendaient au premier rang, parce qu’ils étaient les indigènes et qu’ils avaient donné le branle. Jean se sentait supérieur aux autres chefs par son habileté et son génie inventif. Siméon en voulait aux zélateurs, qui avaient osé mettre obstacle à ses déprédations. Ces mille tiraillements permirent à l’ennemi de saccager toute la Judée, jusqu’aux environs de Jérusalem. En effet, aucun parti n’osait faire une sortie contre les Romains, non par pusillanimité, mais pour ne pas laisser ses adversaires seuls maîtres de la capitale.