Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/407

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des Judéens ses frères, prit part au triomphe et eut même une statue sur le Forum. Josèphe figura seulement comme spectateur.

Ce triomphe, le plus pompeux que Rome eût vu depuis de longues années, atteste la joie immense causée par la victoire de Rome sur la Judée. Depuis longtemps les légions n’avaient eu à combattre un ennemi aussi indomptable[1]. Aussi, durant plusieurs années, frappa-t-on, en souvenir de cet événement, des médailles d’or, d’argent et de cuivre. Ces médailles représentent la Judée sous les traits d’une femme assise tristement sous un palmier ou debout, les mains enchaînées, dans l’attitude du désespoir : elles portent la légende : Judœa devicta ou Judœa capta. Plus tard on construisit en l’honneur de Titus un arc de triomphe, où l’on remarque encore aujourd’hui les vases du temple, trophées de cette victoire (Arco di Tito). Pendant bien des années, dit-on, les Judéens de Rome faisaient un détour pour éviter de passer devant cet arc de Titus. Toutefois, ni Vespasien ni Titus ne voulurent prendre le surnom de Judaicus, qui aurait rappelé leur victoire, ce nom ayant déjà, alors, une signification déplaisante. Le butin du temple de Jérusalem resta de longues années dans le temple de la Paix, et le rouleau de la Loi fut conservé dans le palais impérial. De là, ces reliques du sanctuaire de Judée furent transportées dans d’autres pays, à l’époque où Rome, à son tour, expia ses forfaits.

Cependant la Judée n’était pas encore complètement soumise. Trois forteresses restaient à conquérir : l’Hérodion, Macherous et Massada. Bassus, gouverneur de la Judée, fut chargé par Vespasien de s’en emparer. La garnison de l’Hérodion se rendit à la première sommation. La prise de Macherous conta plus de peine à Bassus.

  1. Au jugement dédaigneux de certains héros en chambre, qui dénient l’héroïsme aux Juifs, même dans le passé, on peut opposer avec avantage l’opinion d’un militaire sur ces mêmes Juifs. Jamais, dit M. de Saulcy (Les derniers jours de Jérusalem, p. 437), jamais en aucun temps nation n’a tant souffert, et ne s’est jetée si bravement et tout entière entre les bras de la mort, pour échapper au plus poignant des malheurs, à l’envahissement par la force brutale des armées étrangères. Honneur donc aux illustres martyrs du patriotisme judaïque ! Car ils ont payé de leur sang le droit de transmettre à leurs descendants le souvenir de la plus belle résistance qui ait jamais été faite par les faibles contre les horreurs de la conquête.