Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/62

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Indes et de l’Éthiopie à la mer Caspienne, régnait une paix profonde. Alexandre est le premier souverain qui ait vu dans la tolérance la meilleure des politiques. Les différences mêmes dans les formes de la religion ou du culte avaient droit, à ses yeux, à un égal respect. Il honora, en Égypte, Apis et Ammon ; en Babylonie, les dieux de la Chaldée. Le temple du dieu babylonien Bel avait été renversé par Artaxerxés, il voulut le rebâtir. A cet effet, il donna ordre à ses soldats de déblayer les décombres amoncelés sur les fondations. Tous obéirent, à l’exception des soldats judéens qui servaient, volontairement ou non, dans ses armées, et qui refusèrent d’aider à élever un temple pour une fausse divinité. Leurs préposés, bien entendu, punirent sévèrement cette désobéissance ; mais ils supportèrent stoïquement leur peine, ne voulant à aucun prix violer une loi fondamentale de leur religion. Enfin Alexandre, informé des scrupules et de la constance des soldats judéens, leur accorda un généreux pardon. — Il y eut là comme un présage de la lutte sanglante qui devait éclater un jour entre le judaïsme et l’hellénisme.

Cependant, au milieu de ses projets de monarchie universelle, le jeune héros mourut (juin 323), sans laisser un héritier légitime de son trône ou de son génie. De là, confusion et perplexité parmi les peuples de la terre comme dans les armées d’Alexandre : on eût dit qu’un vide s’était fait dans les lois de la nature, et qu’on ne savait plus si demain succéderait à aujourd’hui. Ce fut le point de départ de guerres meurtrières, semblables à des combats de Titans. Alexandre laissait derrière lui un si grand nombre de généraux, qui avaient fait leurs preuves sur mille champs de bataille, qu’ils auraient su maintenir l’unité complexe de l’empire macédonien si eux-mêmes eussent été unis. Mais, bien qu’ils ne comptassent point parmi les vrais Grecs, qu’ils eussent au contraire pour les Grecs un profond dédain, ils avaient cependant appris d’eux l’insubordination et l’orgueil, la prétention de mettre leur propre avantage au-dessus du bien de l’État, de n’exercer le pouvoir que pour ses jouissances matérielles ; bref, la corruption morale dans toute sa plénitude.

C’est ainsi que l’empire macédonien se trouva démembré et que les lieutenants d’Alexandre s’en partagèrent les lambeaux.