Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/84

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ses livres favoris ; il se complaisait surtout au recueil des Proverbes (Mischlé), et s’en assimila le langage ; mais il n’en sut pas égaler l’ingénieuse simplicité.

Sirach n’était point de ces sombres Hassidéens qui s’abstenaient même de jouissances légitimes et qui les condamnaient chez les autres. Loin de là, il approuvait fort les bons repas d’amis, égayés par le vin et la musique. Contre les trouble-fête qui glaçaient la joie des festins par des discours trop graves, il a des paroles d’une fine ironie :

Sage conseiller, débite tes savants discours,
Tu feras bien, mais il ne faut pas incommoder la musique.
Où le vin pétille, tes discours n’ont que faire,
Et il ne faut pas être sage hors de propos.
La chanson joyeuse accompagnant le bon vin,
C’est une bague d’émeraude enchâssée dans l’or.

A l’encontre des exaltés qui conspuaient la médecine et la tenaient pour impie, soutenant que les maux du corps ne devaient être combattus que par la prière, Sirach préconise l’utilité des médecins et des médicaments, créés eux aussi, dit-il, pour le plus grand bien de l’homme.

Mais sa colère n’en éclate pas moins vive au spectacle de l’abaissement moral et religieux de ses contemporains. Plus encore que l’oppression politique, la décadence des mœurs le préoccupe. Il flagelle d’un blâme acerbe l’arrogance, la perfidie et l’avidité des riches, la démence des Hellénistes, qui n’adorent que Mammon. Il stigmatise les relations impudiques des sexes, l’entretien des chanteuses et des danseuses, l’attrayant péché que les Judéens avaient appris à l’école des Grecs. Il esquisse quelque part un portrait des filles d’Israël, portrait exagéré peut-être, mais qui ne les montre pas sous un jour des plus flatteurs.

A ses yeux, le vice capital, la cause première de cet abâtardissement des esprits, c’est le mépris de la doctrine religieuse du judaïsme, et c’est pour remédier â ce mal qu’il a composé son livre. — Sirach y touche encore un autre point, une question irritante et qui préoccupait les esprits dans la haute société de Jérusalem : les audacieuses manœuvres des Hellénistes pour déposséder