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chrétiens de se faire reconnaître par les autorités romaines comme une communauté absolument distincte des Judéens, afin de ne plus être, exposés à l’avenir, à partager leur sort. On prétend que deux docteurs de l’Église, Quadratus et Aristides remirent à Adrien un écrit où ils déclinèrent toute solidarité avec les juifs. De cette époque date la fusion de toutes les sectes judéo et pagano-chrétiennes en une seule communauté. Les judéo-chrétiens renoncèrent complètement aux lois juives qu’ils avaient encore plus ou moins observées, acceptèrent le christianisme tel qu’il s’était constitué sous l’influence des pagano-chrétiens et placèrent pour la première fois un évêque non circoncis, Marc, à leur tête. Ce fut au temps d’Adrien que la séparation entre juifs et chrétiens devint définitive, à partir de ce moment ils ne se traitèrent plus en membres ennemis d’une même famille, mais en antagonistes d’origine absolument distincte.

Pendant cette époque désastreuse, on vit des Judéens qui avaient exposé leur vie pour la défense de leur foi se convertir au christianisme. La chute de Jérusalem, l’échec des diverses tentatives faites pour reconstruire le temple, la cessation des sacrifices, les confirmèrent dans cette pensée que c’en était fait du judaïsme, que Dieu lui-même désirait la disparition de l’ancienne religion et le triomphe de l’Église. Il y eut aussi de nombreux Judéens, demeurant dans le voisinage des Samaritains, qui adoptèrent les croyances de ces derniers et allèrent adorer Dieu dans le temple du mont Garizim. On raconte, en effet, qu’à l’époque des persécutions d’Adrien, les habitants de treize villes entrèrent dans la communauté samaritaine. Le judaïsme était-il donc condamné à disparaître dans son pays d’origine ? Beaucoup le craignaient. Les savants et notamment les sept disciples encore vivants d’Akiba s’étaient réfugiés, la mort dans l’âme, à Nisibis et Nehardes ; et si la persécution avait sévi plus longtemps, la Babylonie aurait pris dès ce moment dans le judaïsme la place considérable qu’elle devait occuper un siècle plus tard.

La mort d’Adrien, qui survint trois ans après la chute de Bétar (été 138), produisit une amélioration sensible dans la situation des Judéens. Cet empereur devint, comme Antiochos Épiphane, la personnification de la haine contre la race juive ; les Judéens et les Sa-