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veau. » On cite encore de Meïr plusieurs traits d’un esprit dur et mordant. Ce docteur devint également célèbre comme fabuliste ; sur le seul chacal, qui joue un rôle prépondérant dans les contes orientaux, il composa trois cents fables.

On connaît le récit poétique de la résignation dont Meïr et sa femme firent preuve à la mort subite de leurs deux fils. Voici ce récit en quelques mots. Les deux fils de Meïr moururent subitement un jour de sabbat pendant qu’il était à l’école ; sa femme, Beruria, lui cacha ce triste événement pour ne pas l’affliger pendant le sabbat. La fête terminée, Beruria demanda incidemment à son mari si elle était tenue de rendre un dépôt qui lui avait été confié. Sur la réponse affirmative de Meïr, elle le conduisit dans la chambre où ses deux enfants étaient étendus sans vie et le consola par les paroles que lui-même venait de prononcer ; il accepta ce malheur avec résignation en répétant que Dieu avait donné, et qu’il avait repris. — La modestie et le désintéressement de Meïr étaient aussi grands que sa résignation, il aimait à faire entendre et à mettre en pratique cette maxime : « Occupe-toi moins de tes intérêts matériels que de l’étude de la Loi, et sois humble devant tout le monde. »

Les contemporains comme la postérité louaient hautement la science, et le caractère de Meïr. Son collègue José le dépeignit à ses compatriotes de Sépphoris comme un homme d’une ardente piété, et d’une moralité élevée. Un proverbe disait qu’il suffisait de toucher au Bâton de Meïr pour acquérir la science. Dans son ardeur d’accroître son savoir, il entrait en relations même avec des personnes contre lesquelles régnaient certains préjugés, il allait jusqu’à fréquenter l’apostat et délateur Ahèr, et comme on lui reprochait d’avoir des rapports avec un homme aussi méprisable, il répondait sous la forme sentencieuse qu’il affectionnait : « Il se présente sous ma main une grenade savoureuse, je mange la chair et je jette la pelure. » Un jour de sabbat, il accompagna à pied Ahèr qui était à côté de lui à cheval, et les deux savants s’avançaient ainsi, en discutant sur l’interprétation de quelques passages de la Bible. Tout à coup Ahèr dit à son compagnon : « Meïr, tu ne peux pas aller plus loin, c’est ici qu’il faut s’arrêter le sabbat (à une distance de 2 000 coudées), retourne sur tes pas. »