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Romains dans leur lutte contre quelques petites troupes de Judéens, réfugiés dans la montagne, qui faisaient la guerre des partisans et que les vainqueurs traitaient en brigands. Ce furent Éléazar, dont le père, Simon ben Yohaï, fut un adversaire irréconciliable de Rome, et Ismaël, fils de José. Ces deux docteurs furent sévèrement blâmés d’avoir servi d’instruments au despotisme romain. Josua ben Korha en fit des reproches très vifs à Éléazar : « Toi, vinaigre, produit d’un excellent vin (fils indigne d’un père respecté), continueras-tu encore longtemps à livrer le peuple de Dieu à la mort ? » Éléazar répondit, pour se justifier, qu’il arrachait seulement les mauvaises herbes de la vigne ; mais Josua lui répliqua : « Laisse le maître lui-même accomplir une telle tâche. » Éléazar se repentit plus tard d’avoir aidé les Romains à arrêter des Judéens ; il expia cette faute, dit-on, en s’imposant de douloureuses macérations.

L’autorité d’Éléazar était considérable dans les questions de casuistique, et quelquefois le patriarche lui-même s’y soumettait. Mais la fonction qu’il avait remplie sous les Romains lui avait aliéné les esprits, et comme il craignait qu’après sa mort les docteurs ne voulussent pas lui rendre les derniers honneurs, il recommanda instamment à sa femme de laisser son corps pendant quelques jours dans une chambre avant de le faire enterrer. Ismaël ben José, qui avait partagé les fonctions d’Éléazar, partagea également son discrédit. Il essaya un jour de se justifier en disant qu’il n’avait accepté cet emploi que contre sa volonté et par contrainte. « Ton père ne s’est-il pas enfui, autrefois ? lui répliqua-t-on, tu devais agir comme lui ! »

Juda, qui occupa le patriarcat pendant plus de trente ans, fut encore témoin de tous ces douloureux événements. À l’approche de la mort, qu’il vit venir avec le calme et la sérénité du sage, il réunit autour de lui ses fils et ses disciples et leur donna ses derniers conseils. Il désigna Gamaliel, son fils aîné, comme patriarche, et Simon, le cadet, quoique plus instruit que Gamaliel, comme hakam, et il recommanda à tous deux de se montrer respectueux et soumis envers sa veuve, qui était sans doute leur belle-mère, et de lui permettre de rester dans la maison qu’elle habitait, quoique cette maison ne lui appartînt pas et fût spéciale-