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continuait à se livrer avec ardeur à l’enseignement. Les jeunes gens affluaient de plus en plus à l’école de Râba, à Mahuza, et pour se consacrer tout entiers à l’étude, ils négligeaient toutes leurs affaires. Râba essayait de modérer leur zèle. « Ne venez pas à mon école, leur disait-il, au printemps et à l’automne, afin que vous puissiez vous occuper de la récolte de votre blé, de votre vin et de votre huile, et vous assurer ainsi des moyens d’existence pour le restant de l’année. » L’enseignement de Râba se distinguait par la clarté de l’exposition, la profondeur de l’argumentation et l’indépendance d’esprit avec laquelle il expliquait la tradition. Le vrai Talmud, c’est-à-dire cette partie de l’œuvre où les docteurs se plaisent à déployer de prodigieuses ressources de sagacité et de finesse pour soulever des difficultés et les résoudre, pour découvrir des différences ou des ressemblances dans les opinions de leurs prédécesseurs, où, partant d’un point quelconque, leur pensée parcourt avec la rapidité de l’éclair toute une série de raisonnements, cette partie où éclate l’amour de la discussion et de l’argumentation est le produit de cette époque. Rabba, Abaï et Râba étaient, non pas des amoraïm, des interprètes de la Mischna, mais des talmudistes dans le sens réel du mot, c’est-à-dire des dialecticiens. Ainsi entendu, le Talmud est principalement l’œuvre des écoles de Pumbadita et de Mahuza ; ce système de dialectique était absolument étranger aux écoles palestiniennes.

Grâce à son vaste savoir, à sa pénétration et peut-être aussi à ses richesses, Râba, pendant qu’il était chef d’école, était considéré comme la seule autorité religieuse de la Babylonie. La Palestine elle-même avait recours à ses conseils, à cette époque malheureuse où elle était cruellement persécutée par Constance et Gallus.

Les Juifs qui vivaient en Perse étaient également malheureux en ce temps, ils souffraient de la guerre acharnée qui mettait aux prises les Perses et les Romains. Les habitants juifs de Mahuza, où un corps d’armée perse tenait alors garnison, étaient l’objet de vexations et de mauvais traitements de la part des soldats. Du reste, Schabur II n’aimait pas les Juifs ; il ramena un nombre élevé de prisonniers juifs (prés de 71 000) de l’Arménie, où ils demeuraient de temps immémorial, pour les établir dans la Susiane et à Ispahan.