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aussi considérable qu’avait été celle de Raba, et ses contemporains lui donnèrent le titre de « Rabbana » (notre maître).

Aschi resta cinquante-deux ans à la tête de l’école de Sora. Pendant ce laps de temps, l’académie de Pumbadita eut sept chefs. L’école de Nehardéa, délaissée depuis la destruction de cette ville par Ben Naçar (Odénat), avait aussi repris, à cette époque un certain rang. Mais l’école de Sora jouit d’une suprématie incontestable, et les plus anciens amoraïm, Amêmar, Mar-Zutra Ier et d’autres, reconnurent l’autorité d’Aschi ; même les deux exilarques de son époque, Mar-Kakana et Mar-Zutra Ier, acceptaient ses décisions. Ce n’était plus, comme autrefois, à Nehardéa ou à Pumbadita, mais à Sora que les exilarques recevaient les délégués des communautés babyloniennes et convoquaient les assemblées générales. Aschi fit de Sora le centre de la vie religieuse de la Babylonie juive et assura à cette ville une influence prépondérante dans la direction du judaïsme babylonien.

Grâce à ses éminentes qualités et à sa situation élevée, Aschi put entreprendre une œuvre qui exerça une profonde influence sur les destinées comme sur le développement du peuple juif. Il commença ce travail gigantesque de rassembler et de mettre en ordre l’énorme quantité d’explications ; de déductions et de développements qui, sous le nom de Talmud, avaient été ajoutés à la Mischna. Un des principaux motifs de cette entreprise fut certainement le souci de préserver de l’oubli ces matériaux considérables, accumulés par trois générations d’amoraïm, qui étaient confiés à la seule mémoire. Aschi eut la bonne fortune de pouvoir travailler à la coordination de ces matériaux pendant cinquante-deux ans. Chaque année, pendant les mois de kalla, où collègues et disciples étaient réunis autour de lui, il étudiait avec ses auditeurs un certain nombre de traités de la Mischna et y ajoutait les explications et développements talmudiques ; au bout de trente ans, il avait ainsi soigneusement étudié près de quarante traités. Les matériaux étaient prêts, il ne s’agissait plus que de les réviser et les mettre en ordre ; Aschi consacra à ce travail la seconde période de son activité.

Ce recueil ne fut pas écrit dès son achèvement, on avait encore, à cette époque, des scrupules à mettre la tradition orale par écrit,