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Ceux d’entre les docteurs qui se rendaient compte de la nécessité d’avoir à la tête du judaïsme un pouvoir vigoureux pour le maintenir intact conseillèrent à Josua de céder au patriarche. Le vieux R. Dosa ben Harkinas lui fit comprendre que les ordres émanant de l’autorité religieuse ne devaient pas être discutés, même quand ils reposaient sur une erreur, et que tous étaient tenus de les exécuter. Josua écouta ses conseils et s’abaissa devant le patriarche. Gamaliel, en voyant Josua se présenter devant lui au jour indiqué, admira son humilité ; il l’accueillit avec cordialité et lui dit : « Sois le bienvenu, toi qui es mon maître et mon disciple, mon maître en sagesse et mon disciple pour l’obéissance. Heureuse l’époque où les grands obéissent à leurs inférieurs ! » Cette réconciliation ne fut malheureusement pas de longue durée.

La fermeté inflexible de Gamaliel lui avait attiré de nombreux adversaires, qui s’étaient groupés en un parti compact et semblaient préparer secrètement sa chute. Le patriarche connaissait ce parti et y faisait allusion dans ses conférences. On raconte de lui qu’il ouvrait les séances du Synhédrin de deux façons bien différentes. S’il n’apercevait dans l’assistance que des partisans, il invitait les auditeurs à lui soumettre des questions, mais il se gardait bien de faire pareille invitation quand il y remarquait des adversaires. C’est que le parti de l’opposition aimait à l’embarrasser de ses objections dans le seul but de le tourmenter et de l’irriter. Gamaliel supposa que Josua était le chef de ce parti, et à plusieurs reprises il tira avantage de sa situation élevée pour le froisser et l’humilier. Un jour, la querelle éclata, âpre et violente, et provoqua une révolution au sein du Synhédrin. Le patriarche avait gravement blessé la dignité de Josua et accusé ce docteur de travailler sourdement à affaiblir l’autorité d’une décision adoptée par le Conseil. Josua ayant opposé un démenti à cette assertion, Gamaliel lui répliqua dans un mouvement de colère : « Lève-toi, et des témoins déposeront contre toi. » C’était une mise en accusation. L’auditoire, très nombreux ce jour-là, protesta violemment contre l’outrage infligé à un docteur que le peuple respectait et aimait ; les adversaires du Nassi prirent courage et exprimèrent publiquement leur mécontentement. « Qui n’a pas