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bard se vengea de la bienveillance persistante de l’empereur pour les Juifs en prenant part (en 830) à la conjuration formées contre l’impératrice Judith et ses amis et même à la révolte des fils de Louis le Débonnaire contre leur père. Il fut destitué et obligé de s’enfuir en Italie. Plus tard, Louis lui rendit son épiscopat.

Un événement qui eut à cette époque un grand retentissement fut la conversion au judaïsme d’un personnage considérable, le gentilhomme et prélat Bodo. Toutes les chroniques du temps en parlèrent comme d’une calamité publique. Il est vrai que cette conversion était accompagnée de circonstances singulières et propres à affliger de pieux chrétiens. Bodo ou Puoto, d’une ancienne famille alemane, était entré dans les ordres et occupait le rang de diacre ; il était très en faveur auprès de l’empereur, qui l’avait nommé son confesseur. D’une ardente piété, il demanda et obtint l’autorisation de se rendre à Rome pour y recevoir la bénédiction du pape et prier sur les tombeaux des apôtres et des martyrs. À Rome, ses sentiments se modifièrent totalement. Honteux des mœurs dissolues qu’affichaient les ecclésiastiques dans la capitale de la chrétienté, il apprécia à leur vraie valeur la pureté et l’élévation du judaïsme et résolut de se faire juif. Au lieu d’examiner les raisons qui avaient pu agir sur Bodo, les chrétiens accusèrent de sa conversion Satan, l’ennemi des hommes et de l’Église, ils crurent aussi que les Juifs l’avaient amené par ruse à accomplir cet acte.

Dès qu’il se fut décidé à embrasser le judaïsme, Bodo partit directement de Rome pour l’Espagne, se fit circoncire à Saragosse, prit le nom d’Éléazar et laissa pousser sa barbe (août 838) ; il se maria avec une juive. Il semble être entré comme soldat au service d’un prince arabe, et sa haine contre ses anciens coreligionnaires était telle qu’il persuada au souverain musulman de l’Espagne de ne tolérer aucun chrétien dans son pays, mais de les contraindre tous à se convertir au judaïsme ou à l’islamisme. On raconte que les chrétiens d’Espagne auraient imploré Louis le Débonnaire et les évêques de France d’intervenir en leur faveur et de se faire livrer ce dangereux apostat.

Tout en étant très affligé de la conversion de Bodo, l’empereur