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les armes s’étaient joints à l’armée des rebelles, s’emparèrent des Judéens qui s’y trouvaient et les firent mourir au milieu des plus atroces tortures. L’armée juive usa de représailles ; elle envahit l’Égypte, s’empara du château fort d’Alexandrie, fit prisonniers les habitants et leur infligea tortures pour tortures. La population païenne de la ville chercha son salut dans la fuite en essayant d’atteindre le port. Les Judéens s’élancèrent à leur poursuite et les atteignirent près des navires. Il y eut là une lutte terrible. Appius, alors procurateur en Égypte, raconte qu’il n’échappa au massacre que grâce au hasard, et il ajoute que les Judéens dévorèrent la chair des prisonniers grecs et romains, se teignirent de leur sang et leur arrachèrent la peau pour s’en couvrir. Ce sont certainement de pures calomnies.

Ce qui est avéré, c’est que les Judéens contraignirent les vaincus à descendre dans l’arène pour lutter contre les bêtes fauves ou s’entretuer. Ce furent là les tristes représailles des jeux sanglants auxquels avaient dû prendre part, sur l’ordre de Vespasien et de Titus, les prisonniers juifs. On rapporte que dans la Cyrénaïque les Judéens tuèrent 200 000 Grecs et Romains et dépeuplèrent tellement la Libye, c’est-à-dire la région qui s’étend le long de la côte à l’est de l’Égypte, que quelques années plus tard il fallut y envoyer de nouveaux colons. Dans l’île de Chypre, où demeurait de tout temps une nombreuse population juive qui y avait élevé des synagogues, la révolte fut organisée et dirigée par un certain Artémion. Le nombre des rebelles était très grand, il se grossit probablement de tous les mécontents païens de l’île. Les insurgés détruisirent Salamis, capitale de l’île de Chypre, et tuèrent 240 000 Grecs. Trajan, qui était alors en Babylonie, craignit vivement que ce soulèvement ne prit un plus grand développement, il envoya contre les Judéens une puissante armée. Il plaça l’un de ses principaux généraux, Martius Turbo, à la tête de forces importantes sur terre et sur mer, et le chargea d’étouffer la révolte en Égypte, dans la Cyrénaïque et dans l’île de Chypre. Dans la région de l’Euphrate, où les Judéens avaient pris une attitude menaçante, malgré le voisinage de l’empereur avec une armée considérable, Trajan confia le commandement des groupes à son général favori, Lusius Quietus, prince mauresque d’un