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gais et mélodieux. Devant ce réveil intellectuel, on oublia bien vite la chute de l’exilarcat. Déjà une première fois, après la destruction du premier temple et la cessation du culte des sacrifices, une nouvelle vie religieuse avait refleuri en Israël sur des ruines. Maintenant, de nouveau, la vie religieuse des Juifs reprenait un admirable essor au moment même où, par suite de la fermeture des écoles babyloniennes, on la croyait éteinte pour toujours. Elle changea seulement de pays. Transplantée des bords de l’Euphrate en Europe, elle dépouilla peu à peu ses formes orientales pour prendre en quelque sorte un caractère européen. Saadia est le dernier représentant de la civilisation juive en Orient. Hasdaï et les autres savants qui se formèrent à son école sont les premiers promoteurs d’une civilisation judéo-européenne.

Saïd ou Saadia ben Joseph (892-942), de la ville de Fayyoum, dans la haute Égypte, fonda le premier une science juive parmi les rabbanites. Il fut le créateur de la philosophie religieuse au moyen âge. Son savoir était très étendu. Outre son érudition talmudique, il possédait des connaissances variées, qu’il avait acquise chez les caraïtes et les musulmans de son époque. Il avait également un sentiment très élevé de la religion et de la morale et était doué d’un caractère droit et ferme, sachant ce qu’il voulait et mettant au service de sa volonté une rare persévérance.

On sait peu de chose de sa jeunesse. Comme, de son temps, l’Égypte ne possédait pas de savants talmudistes, il faut bien admettre qu’il était redevable à sa seule intelligence de la supériorité qu’il avait acquise dans le domaine talmudique. Il était aussi très versé dans la littérature caraïte, comme aucun rabbanite ne le fut avant lui. À l’âge de vingt-trois ans, il publia, sous le titre de « Réfutation d’Anan », un ouvrage de polémique contre les caraïtes.

On ne connaît pas le contenu de cet écrit, mais il est vraisemblable que Saadia y démontrait la nécessité de la tradition et faisait ressortir les erreurs et les inconséquences d’Anan. Un autre de ses ouvrages reproche à Anan d’avoir étendu beaucoup trop loin les degrés de parenté et représente le fondateur du caraïsme comme un ambitieux impudent et irréligieux, que son outrecuidance seule a éloigné du judaïsme talmudique.

À peine arrivé à l’âge d’homme, Saadia, au grand profit du