Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/23

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salem pour avertir le peuple et le remettre dans le droit chemin. Que n’ai-je la force d’aller de ville en ville pour réveiller le peuple de Dieu ! Tu crois que j’ai été attiré en Babylonie par l’espoir d’un bénéfice, comme tant d’autres qui écorchent les pauvres jusqu’à l’os. Je me suis rendu ici au nom de Dieu… Pouvais-je m’abstenir de faire ce voyage quand je me sentais profondément ému devant l’impiété de mes frères et concitoyens, quand je les voyais suivre une mauvaise route, imposer un joug pesant aux ignorants, opprimer et rançonner les faibles, établir leur autorité par l’excommunication et la persécution, faire appel au bras séculier des musulmans, contraindre les pauvres à emprunter de l’argent à intérêts pour s’enrichir et pouvoir acheter l’appui des fonctionnaires ! Comment me taire quand je vois les chefs des communautés manger sans scrupule avec des non juifs, quand je m’aperçois que des membres de mon peuple adoptent des pratiques païennes, s’assoient sur des tombes, séjournent avec les morts et adressent avec ferveur cette invocation à José le Galiléen : Puisses-tu me guérir ! Puisses-tu me donner des enfants ! Pour obtenir la guérison, ils se rendent en pèlerinage auprès des tombeaux d’hommes pieux, font des illuminations ou brûlent de l’encens en leur honneur… Enfants d’Israël, ayez pitié de votre âme, choisissez le bon chemin ! N’objectez pas que les docteurs caraïtes aussi sont en désaccord entre eux sur ce qui constitue véritablement la religion et qu’ainsi vous ne pouvez pas savoir où trouver la vérité. Sachez que les caraïtes ne veulent exercer aucune autorité sur vous, ils vous conseillent seulement d’examiner et de raisonner par vous-mêmes. »

Outre la polémique vigoureuse de Sahal, Jacob ben Samuel eut encore à repousser les attaques d’un autre caraïte, Yephet ibn Ali Hallévi (Abou Ali Hassan), de Bassora (950-990). Malgré ses œuvres grammaticales et ses commentaires bibliques, malgré la grande autorité dont il jouissait parmi les caraïtes, Yephet n’est pas un écrivain sérieux. Comme tous ses coreligionnaires, il est prolixe, amphigourique et superficiel. On remarque bien vite, dans les écrits des caraïtes, qu’ils ne sont pas habitués, comme les rabbanites, à la dialectique pénétrante du Talmud ; ils manquent de précision et de profondeur. À cette époque, ces défauts étaient