Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/53

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musulmans. Aussi Habous n’hésita-t-il pas à élever Samuel à la dignité de ministre d’État (katib) et à lui confier la direction des affaires diplomatiques et militaires (1027). À partir de ce moment, Samuel quitta sa boutique pour le palais de son souverain. Le disciple du talmudiste Hanok eut ainsi une grande influence sur la politique de l’Espagne, car les souverains musulmans régnaient mais ne gouvernaient pas ; ils étaient capricieux, despotiques, mais le grand vizir seul dirigeait l’État. Par contre, sa responsabilité était lourde ; il y allait souvent de sa tête.

Habous n’eut qu’à se féliciter de son choix. Grâce à l’intelligence et à l’activité de son ministre juif, son État était devenu prospère. Du reste, Samuel savait plaire à son roi et occuper son esprit versatile ; il écrivit à sa louange un poème en sept langues. Or Habous, comme tous les princes musulmans, était très flatté d’être loué en beaux vers. Samuel ne sut pas moins se faire aimer de la population musulmane que de son souverain. Esprit net et circonspect, il avait des manières affables et parvenait souvent à triompher des difficultés par sa grande patience. Habile, prudent, toujours maître de lui-même, il parlait peu mais réfléchissait beaucoup. Sa sagesse et sa piété le préservèrent de l’orgueil, ce défaut si commun et si détesté chez les parvenus. Pendant près de trente ans, il sut se maintenir comme ministre principal du royaume de Grenade.

L’anecdote suivante nous montre la mansuétude remarquable de Samuel. Dans le voisinage du palais de Habous, un musulman tenait une boutique d’épiceries. Toutes les fois qu’il voyait sortir le roi, accompagné de Samuel, il accablait le ministre juif d’imprécations et d’invectives. Irrité de tant d’insolence, Habous ordonna à Samuel d’arrêter ce fanatique et de lui faire arracher la langue. Le vizir usa d’un moyen moins violent pour réduire son ennemi au silence, il lui remit une forte somme d’argent. Touché de tant de générosité, le marchand combla Samuel de bénédictions. Un jour que Habous aperçut de nouveau le marchand, il fit des reproches à son ministre de ce qu’il n’avait pas exécuté son ordre : J’ai suivi votre prescription, lui répondit Samuel, j’ai arraché à cet homme sa méchante langue et l’ai remplacée par une bonne.

Ce ne fut pas là le seul ennemi de Samuel. Bien des musulmans